Castelli

 

Le bandit Castelli, lui, régna sans partage sur toute la région d’Orezza, pendant près de deux décen­nies. Véritable machine à tuer, il était en même temps capable de blémir à l’idée qu’un seul de ses actes pourrait le mener en enfer. Son premier meurtre tomba le jour de la Nativité, alors qu’il jouait au baccara au couvent d’Alesani! Avait-il été floué, dans une affaire de terrain, par son adver­saire Santini? Toujours est-il qu’en pleine nuit, la table de jeu et la lampe étaient soudain renversées et qu’éclatait un coup de feu. La clarté revenue, un homme – Santini – gisait sur le sol et l’autre – Castelli – prenait le maquis. De là, intimidant les témoins, les menaçant de mort, le bandit croyait qu’un procès lui serait favorable. Il se rendit aux gendarmes mais la cour, établissant que la vic­time ne portait pas d’arme, condamna Castelli à cinq ans de prison.

Le temps de la détention fut, pour Castelli, celui de la rancune et des préparatifs. Aussi, à peine sorti de prison, revint-il en Corse avec le but avoué de se venger. Il commence, à un croisement de chemins, par faire feu contre un vannier qui avait déposé contre lui. Puis il tue d’une décharge de chevrotine un gendarme qui l’avait pris pour un braconnier avant de se rappeler, alors qu’il était encore enfant, que son père avait été humilié et frappé par un cer­tain Arrighi. Aucune offense faite aux siens ne doit rester impunie! Dissimulé dans des buissons, il tue Arrighi, chez lui, d’un coup de fusil tiré à quatre mètres. Il charge ensuite deux gamines de signifier à la veuve de la victime d’avoir à quitter l’île dans les plus brefs délais. La vieille femme ne peut que s’exécuter.

Peu à peu, tous les fronts de Castagniccia s’incli­nent de terreur et chacun se tait. Marie, la fille d’un de ceux qui, autrefois, avaient témoigné contre lui, apporte un après-midi quelques vivres à son oncle habitant hors du village de Carcheto. Castelli surgit, il épaule et lui transperce l’abdomen. La gamine, âgée de dix-huit ans, mourra quelques heures plus tard, après avoir désigné son assassin. Aucun médecin n’a osé lui apporter son aide et personne ne prendra le risque de lui confectionner un cercueil. C’est pourquoi elle sera ensevelie, dans un simple linceul, entre deux gendarmes et deux gardes champêtres réquisitionnés pour l’occasion.

Quiconque se permet la moindre remarque sur le comportement du bandit, met en jeu sa vie. Ainsi le charretier Antoine Raffali, abattu de trois coups de feu quelques semaines après la mort de Marie. Ainsi le vieil Albertina, qui a été son guide mais qu’on a vu, tenant conciliabule avec les gendarmes. Abattu comme un chien, dans sa bergerie, à l’âge de soixante-sept ans. Ainsi un autre guide, Lam­berti, avec qui Castelli sort au petit jour d’une mai­son de Pietricaggio. Les gendarmes sont au rendez-vous, des coups de feu claquent mais les deux hommes réussissent à s’enfuir. A peine hors de danger, Castelli se retourne vers Lamberti, qu’il soupçonne de l’avoir mené dans une embuscade, et fait feu. L’homme expire quelques instants plus tard, tandis que Castelli gagne, une fois de plus, le maquis.

Les bandits corses ont fréquemment deux fai­blesses, les femmes et la politique. C’est la politique qui perdra Castelli. Retiré dans les montagnes, il veut dicter à distance les orientations du parti au­quel il prétend adhérer. Un jour qu’il sort d’une maison où il s’est fait remettre, sous la menace, de quoi se restaurer, un coup de feu part de derrière un massif de lentisques et Castelli s’effondre. Il n’aura pas même la force d’appuyer sur la détente de son fusil court, niché au creux du bras.

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