c. La manne de la lavande

 

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Que seraient les paysages de Haute-Provence sans les étendues mauves et irréelles des champs de lavande? Y domineraient le gris des chênes à feuilles persistantes, le gris du thym et des herbes sèches, le gris de la roche brûlée d’années et de lumières. Même le bleu du ciel, l’or du soleil et les jaunes des bouquets de genêts ne parviendraient pas à donner aux lieux cette tonalité de bonheur rassurant que lui apporte le mauve des lavandes. Mais, comme toujours en Provence, ce qui est le plus joli et attrayant aux yeux du touriste n’est pas ce qui, pour l’homme de la terre, nécessite le moins de travail. De beaucoup s’en faut. Et si les champs de lavande et de lavandin prolifèrent, c’est d’abord parce qu’ils constituent l’une des rares cultures possibles sur les étendues de sécheresse, de vents, de cailloutis et d’altitude qui se nichent à l’adret des vallées.

Selon la qualité du sol et les exigences du marché, on cultive soit la lavande vraie, soit le lavandin, hybride de la lavande vraie, qui n’est utilisé que pour des fabrications industrielles. L’essence de qualité ne peut donc provenir que de la lavande, qui présente un double inconvénient. D’abord, elle nécessite plus de soins et produit moins. Ensuite, sa récolte doit impérativement avoir lieu pendant les dix ou douze jours que dure la florai­son. Sinon, l’essence se perd, alors que celle du lavandin reste dans l’épi pendant plusieurs semai­nes, ce qui évite de devoir faire appel à un per­sonnel important, coûteux et difficile à trouver pour une période si brève.

Pour la récolte, le coupeur de lavande se sert d’une faucille et d’une «saquette», sac formé par un drap croisé dans le dos et attaché aux épaules par les quatre coins noués. La saquette permet d’accumuler jusqu’à trente kilos de fleurs avant d’aller déverser sa provision dans le char resté à l’orée du champ. Un bon coupeur peut ramasser jusqu’à 500 kilos de lavande par jour! Mais aujourd’hui, sauf dans les lieux d’accès difficile, la mécanisation permet de se passer de la plupart des coupeurs, une seule machine remplaçant six personnes.

La fabrication de l’essence de lavande se fait toujours selon un très ancien procédé, d’origine arabe. L’alambic de distillation fonctionne à la vapeur d’eau. Cette vapeur fait éclater les cellules aromatiques situées sur l’épiderme de la fleur. L’essence se mélange alors à la vapeur qui, refroi­die dans un serpentin, se condense avant de retourner dans un récipient spécial, l’essencier, qui permet de séparer l’eau et l’essence, produits non miscibles à l’état liquide et n’ayant pas la même densité.

La lavande, pour pousser et fleurir, demande peu d’eau. Mais il en faut beaucoup pour faire fonc­tionner l’alambic. C’est pourquoi on trouve rare­ment cette étrange machine désuète à proximité des champs de lavande: ses servants doivent l’ins­taller au creux des vallées, en espérant que le lit de la rivière ne sera pas à sec en période de récolte et de distillation.

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