d. Quelques visiteurs célèbres

 

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La Provence a, de tous temps, attiré les visiteurs.

Si les Grecs et Romains évoquent surtout, dans leurs écrits, les moments de la conquête, les Nor­diques, voyageurs individuels, transcrivent plutôt leurs impressions personnelles.

A la fin du XVIIIème siècle, le genevois Horace­-Benedict de Saussure, passant par Beaucaire, est frappé par le mistral qui balaie la vallée du Rhône: «En arrivant à Beaucaire, nous entendîmes sonner toutes les cloches pour les prières publiques dont l’objet était de demander au ciel la cessation du mistral qui, par son poids et sa violence, donnait des inquiétudes pour toutes les récoltes.»

Au début du XIXème siècle, Stendhal habitait Marseille, où il écrivit d’ailleurs la Chartreuse de Parme, preuve que le climat du Midi n’était pour lui qu’une façon de ne pas oublier tout-à-fait l’Italie. Il nous donne de la vie locale cette des­cription:

«Dans la saison chaude, la porte de la rue reste entr’ouverte, ce qui établit un courant d’air char­mant avec le jardin et, en même temps, on a de l’obscurité. C’est, comme on le voit, tout ce qu’il est possible de souhaiter.»

Son étonnement est pour la nature et le climat:

«Il y a donc un pays où les orangers viennent en pleine terre?»

Enfin, après être venu en Provence sans enthou­siasme, il la quitte avec mélancolie:

«On dirait que le bonheur disparaît avec l’accent.»

Quarré-Reybourbon, membre de la société de géographie de Lille, quitte à la même période les brumes du nord pour le soleil du midi. Venu par la côte italienne, il traverse la Provence de Monaco à Arles. Ses notes n’ont guère perdu de leur actualité:

«Monaco vit de Monte-Carlo. Un proverbe italien du moyen-âge disait de cette ville, qui était un repaire de pirates allant piller les côtes et les mers: Monaco je suis, je ne sème ni ne récolte, et pour­tant je veux vivre. Aujourd’hui, l’Etat de Monaco ne sème ni ne récolte pas plus que par le passé, mais écumeur d’une mer plus agitée que la Médi­terranée, quoique non moins souriante, il vit des ruines, des misères et, hélas! aussi des suicides que causent chaque année les tables de jeu de Monte-Carlo. ( … )

Tous les récits de voyage dans le midi de la France vantent la beauté des Arlésiennes. Il m’a semblé que ce n’est pas sans raison. En parcou­rant les rues de la ville, on trouve, même chez cer­taines femmes du peuple, des types grecs ou romains d’un beau caractère. Ce qu’on remarque surtout chez les Arlésiennes, c’est une grande pureté de traits et une élégance tout à la fois simple et noble.»

Un siècle plus tôt, Madame de Sévigné, dans ses Lettres à sa fille, résumait ses sentiments après de nombreuses visites en Provence:

«Que vous êtes excessifs en Provence! Tout est extrême, vos chaleurs, vos sereins, vos bises, vos pluies hors de saison, vos tonnerres en automne: il n’y a rien de doux ni de tempéré. Vos rivières sont débordées, vos champs noyés et abîmés, votre Durance a quasi toujours le diable au corps (…).

Ce Rhône qui fait peur à tout le monde, ce pont d’Avignon où l’on aurait tort de passer même en prenant de loin toutes ses mesures, un tourbillon de vent vous jette violemment sous une arche…»

Si la Marquise de Sévigné se heurte à l’excès des éléments, Emile Zola, lui, est conquis deux siècles plus tard par la gaieté des Provençaux:

«Il y a une chose dont il faut vous remercier, c’est d’oser être gais dans un temps où la gaieté man­que littéralement de distinction. C’est très brave cela! D’abord, vous vous amusez, ce qui est bien quelque chose. Ensuite vous faites honte à ceux qui ne s’amusent pas. Vous sonnez le réveil de toutes les énergies et de toute la santé de notre race.»

Enfin, quelques réflexions d’un Suisse aux racines latine, C.-E Landry:

«Je sais que je remonte à mes origines. On me dit que je suis un Génois, venu en Corse, de Corse en Avignon, et d’Avignon dans l’âpre Jura suisse.

On nous cite des peuples très cultivés, d’Asie, où l’homme qui se connaît divise sa vie, donne une part à sa vie affective, et puis élève une famille, et puis accède aux charges, et puis se démet de tout, et s’en va vers les grandes montagnes, en pèlerin, dans l’attente de la mort.

Je trouve cela très beau. Je m’étonne seulement qu’on aille si loin pour découvrir ce rythme de l’homme. La Méditerranée contient ces miasmes de grandeur, cette miraculeuse pestilence. La Pro­vence, baignée par cette mer des dieux, devait avoir, par-dessus toute terre moderne, cette nostal­gie de l’équilibre, infiniment rare, et qui, depuis la Grèce, ne s’est plus vue que là.

Que l’on entende bien ce secret dernier de la Pro­vence: le présent, le quotidien, l’heure qui passe, ce sont autant de présents. De choses données.»

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