o. Une nature à dimensions humaines

032 vieux mas SCAN0152~1

Spontanées ou cultivées, il faudrait citer des cen­taines de variétés. Certaines, typiquement proven­çales, participent au génie du lieu. D’autres, répandues dans une zone plus large, ou importées lors d’invasions successives, ont trouvé sous le climat provençal le moyen de se singulariser et de se rendre indispensables.

Le cyprès, venu sans doute de Grèce ou du Pro­che-Orient, fait partie intégrante du paysage. Planté en haies compactes, il est dans la vallée du Rhône un obstacle efficace au mistral. Aussi le rencontre-t-on souvent partout où souffle le «Maître». Il est aussi, traditionnellement, l’attribut unique des petits mas de l’arrière-pays. L’explica­tion est touchante: la poutre maîtresse était – et reste parfois – faite d’un tronc de cyprès. Le bois est résistant, mais l’arbre est lent à pousser. Aussi était-il d’usage, lorsqu’on construisait un mas, qu’on apportât, pour la charpente, un cyprès coupé dans la plaine, ainsi qu’un plus petit, auquel on conservait ses racines. Ce petit cyprès était planté à côté de la maison au moment où le tronc du grand était, lui, placé au faîte de la toiture. Ainsi, trente, cinquante, voire cent ans plus tard, lorsque la charpente serait vermoulue, on aurait à portée de main de quoi la rénover.

Les pins restent nombreux en Provence, malgré les incendies qui chaque été, dévastent des centai­nes d’hectares de pinèdes. On notera particulière­ment trois variétés. Le pin d’Alep se plaît sur les sols calcaires du littoral. On le reconnaît à son feuillage clair et léger, à son écorce grise et à son tronc biscornu. Le pin maritime pousse, lui aussi, à proximité de la Méditerranée mais seuls lui con­viennent les terrains granitiques. On ne le trouve donc que dans les Maures, l’Esterel et le petit massif du cap Sicié. Le pin parasol, typiquement méditerranéen, se satisfait de tous les sols et de toutes les conditions climatiques. On le trouve donc à proximité du littoral mais aussi sur la plu­part des collines de l’arrière-pays. Il constitue par­fois de véritables forêts mais il ne dédaigne ni la solitude, ni la proximité des maisons, auxquelles il apporte ombre, fraîcheur, senteur, bruissements et, si tel est leur bon plaisir, chants de cigales.

Les platanes, plantés par l’homme au pourtour des places de village, sont signe de quiétude ombragée. Les eucalyptus, importés d’Australie, se sont bien acclimatés, particulièrement dans les zones les plus plates de la côte d’Azur, où pous­sent aussi palmiers, orangers et citronniers. Sur les côteaux des Alpes Maritimes, les forêts naturelles de mimosas couvrent des versants entiers et déploient en quelques jours, fin janvier ou début février, leurs ors scintillants. Le micocoulier ombrage la cour des mas. Le figuier et l’amandier se satisfont de peu. La flore provençale, que les touristes connaissent peu du fait du ralentisse­ment estival de la végétation, est importante, variée et – tout Provençal vous le dira – humaine. On cueille fruits et légumes la plus grande partie de l’année, les arbres donnent l’ombre de l’été et le feu de l’hiver, les herbes embaument toute la Provence, le cyprès veille et chapeaute les mas. Enfin, la vigne donne le goût aux choses et le relief au verbe. Nous y reviendrons au chapitre des activités humaines.

Il faudrait faire place ici à la végétation de la Camargue, très différente du fait de la nature du sol et, surtout, des marécages qui occupent la plus grande partie du delta durant une partie de l’an­née. Mais cette flore de Camargue, comme d’ail­leurs sa faune, est si particulière, tellement liée à l’histoire du lieu et, plus encore, à la vie des hom­mes, que nous l’évoquerons dans le long chapitre réservé à cette région que, seules, les traditions et la langue permettent de rattacher à la Provence.

Laissez un commentaire. Merci.