Ushuaia, la ville la plus australe du monde

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La plus australe, certes. La belle affaire. Et après?

S’il n’en existe pas au-delà, c’est que la terre s’arrête ici pour ne reprendre qu’aux glaces du pôle mais la latitude d’Ushuaïa n’a pas de quoi effrayer un Européen puisqu’elle est comparable à celle de l’Irlande. C’est à peine si la neige persiste un peu plus dans les rues d’Ushuaïa que dans celles de Belfast. Les constructions provisoires tiennent le haut du pavé, fraîchement repeintes ici, abandonnées là. La planche est reine et rares sont les immeubles (hôtel, caserne, hôpital, administration portuaire) qui doivent au ciment plus que leurs fondations. Partout ailleurs, même les maisons anciennes sont de grandes cabanes, ce qui accentue encore l’impression d’éphé­mère, de fragile, d’irréel.

L’existence d’Ushuaïa reste artificielle. Les trois quarts de la population gagnent leur vie grâce à des emplois de l’Etat (port, administration, forêts), les autres vivent du tourisme mais port et tou­risme n’existent que grâce au statut spécial de la Terre de Feu argentine, qui en fait une zone exemptée de droits de douane. Il suffirait d’un revirement de Buenos Aires pour trans­former Ushuaia en ville fantôme.

Malgré ce régime de faveur, la vie est difficile pour les huit mille citadins de l’extrême sud. La plupart occupent, pour survi­vre, deux emplois parallèles, ce qui limite singulièrement le temps accordé à la vie sociale… Seuls les commerçants ont le temps de faire la causette. Je recommande chaudement, à l’intention des éventuels voyageurs, le magasin de Modes et Confection de «Monsieur Charles», situé juste derrière l’Hôtel Canal-de-Beagle.

Monsieur Charles, que les Ushuaïens prennent, avec sa bénédiction, pour un Français, est en fait un Syrien venu très tôt à Buenos Aires et qui, désormais, l’appartenance au Lion’s Club aidant, possède des magasins de vêtements à Buenos Aires,  New-York et…  Ushuaïa. De ses origines méditerranéennes, Monsieur Charles a gardé le sens des palabres et de l’accueil. Il connaît le monde sur le bout du doigt et montre volontiers des photographies sur lesquelles on le voit poser fièrement en compagnie de femmes toutes plus blondes et plus jeunes les unes que les autres… et dont le métier est bien plus ancien que la vie en Terre de Feu.

Monsieur Charles est un bon exemple de la population d’Ushuaïa. Il vit ici, gagne sa vie ici mais il n’a jamais parcouru  le moindre kilo­mètre en direction des montagnes, n’est jamais allé en barque sur les îles où se prélassent phoques et manchots. Tout cela ne l’intéresse pas. Il est en Terre de Feu comme entre parenthèses et seuls les descendants des premiers colons fuégien peuvent se vanter de racines réellement enfouies dans cette terre de désolation.

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