Matteo Poli

 

S’il exista des bandits d’honneur, Matteo Poli n’est pas de ceux-là. «De constitution perverse», écrit dans son livre («Bandits corses d’hier et d’aujour­d’hui») J. B. Marcaggi, toujours en lutte avec ses ca­marades, il avait passé sa jeunesse à dévaster arbres et clôtures, faisant le mal pour le plaisir, Matteo Poli n’avait d’ailleurs jamais eu qu’une ambition: devenir bandit. A vingt-et-un ans, après une attaque à main armée contre … un couvent, le voilà qui croise le feu avec les gendarmes avant de rejoin­dre, dans le maquis, un autre bandit célèbre, Cicchetto. Ensemble, ils rançonnent sans vergogne la région de Vico, attaquant les voyageurs et un bureau de poste. Le 3 novembre 1896, ils sont cernés par les gendarmes près de la rivière de Sa­gone. Cicchetto est tué mais Poli réussit à s’en­fuir. On le retrouve peu de temps après chez un oncle de qui il tente d’obtenir une renonciation testamentaire en sa faveur. Accueilli bon gré mal gré, l’hospitalité traditionnelle et la terreur aidant, il manque de peu l’assassinat du patriarche et, désarmé par le reste de la famille, il est livré aux gendarmes (il faut vraiment que ses actes aient suscité l’horreur pour que des parents, même loin­tains, le remettent ainsi aux représentants de la force publique), jugé et condamné aux travaux forcés à perpétuité. Envoyé au bagne en Guyane, il n’a de cesse de pouvoir se venger de son oncle, persuadé de la responsabilité de son témoignage dans une si lourde condamnation. Aussi se com­porte-t-il comme un agneau docile, captant la confiance de ses gardiens. Le 28 août 1900, il S’évade, reste quelques mois en Amérique du Sud, puis se rapproche de l’Europe, gagne l’Italie, entre en France où son frère, alerté, le rejoint et lui remet, outre des vêtements neufs, un fusil de marque Lefaucheux. En janvier 1902, il entre se­crètement en Corse, arrive dans le village de Balogna où il se met à épier son oncle.

Le vieillard, depuis cinq ans, n’a cessé de se tenir sur ses gardes. Il ne se déplace qu’armé. Pourtant, le 26 janvier 1902, revenant à pied d’une de ses terres, il tombe en plein maquis, percé de quatre balles. Il n’a pas pu voir, dans les feuillages, ses assassins. Mais, avant de mourir, il désigne, ne se connaissant pas d’autres ennemis, les deux frères de Matteo Poli, Paul et Pascal. Arrêtés, les frères protestent en vain de leur innocence et sont ren­voyés devant la cour d’assises de la Corse. Matteo, qui est l’auteur unique du crime, a beau écrire au tribunal pour décharger ses frères, rien n’y fait. Le 20 mai, au col de Sevi, il arrête l’équipage du préfet de la Corse et exige que soit fait rapport au tribunal de sa seule responsabilité. Cette fois, l’audace paie: les deux frères sont acquittés.

Les deux fils de la victime ne l’entendent pas de cette oreille. Fonctionnaires sur le continent, ils de­mandent leur mise en disponibilité et gagnent la Corse, où ils se promettent de venger leur père. Les frères de Matteo, apprenant ce fait nouveau, n’ont qu’un désir, quitter la Corse. Ils s’adressent à la préfecture pour obtenir un emploi sur le con­tinent, mais les choses tardent et, le 13 juillet, Pascal Poli est abattu par les frères Leca, près du pont de Mela. Il en faut plus pour que la vendetta soit assouvie. Les frères Leca ne regagneront le conti­nent qu’après la mort du véritable criminel, Matteo Poli. Celui-ci, redouté mais haï, erre dans le ma­quis, ne pouvant compter sur l’aide sincère de qui­conque. Le 14 août 1903, un communiqué de la gendarmerie annonce que Poli a été abattu par un détachement mobile, entre Vico et Guagno. La vérité est bien différente: il aurait été empoisonné par des prunes que lui avait offertes l’un de ses rares hommes de confiance, Pasquale, un berger de Pastricciola qui s’était offert pour lui servir de guide dans les montagnes.

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1 réflexion sur « Matteo Poli »

  1. Je souhaite entrer en contact avec l’auteur de l’article concernant le ‘bandit’ Matteo Poli (1875-1903) au sujet de sa sépulture. Je suis membre de sa famille …. remerciements

Répondre à CANALE Pierre André Annuler la réponse.