Joseph Bartoli

 

Avec Joseph Bartoli, c’est le brigandage organisé qui s’installe en Corse. Après avoir appris le banditisme dans les bas-fonds de Toulon et de Marseille, il s’engage dans le régiment d’infanterie coloniale, où aboutissent bon nombre de têtes brûlées. Une sombre affaire de jalousie l’amène à assassiner un autre militaire mais Bartoli, qui s’est forgé un solide alibi, est acquitté par le tribunal. Plus question, cependant, de poursuivre une carrière militaire.

Le voici donc en Corse, enlevant gaillardement une jeune fille qu’il oublie ensuite d’épouser, organisant un service de transports routiers, tirant sur le chauffeur de la compagnie concurrente, tuant son propre associé avant d’entrer, en com­pagnie du truand Dominique Santoni, dans une bande redoutable et sanguinaire. Ensuite, en asso­ciation avec un ex-gendarme devenu bandit, il organise un racket inflexible sur les sociétés de transport de la région, menaçant de mort qui­conque ne paierait pas la somme exigée.

La puis­sance de Bartoli augmente de jour en jour, au point qu’il va, un soir, sonner la cloche d’une caserne de gendarmerie pour interdire aux gendarmes, à l’avenir, de sortir dans le village en armes et en uniforme. Pour éviter un affrontement dont ils ne sont sûrs de sortir ni vainqueurs ni vivants, les pan­dores obtempèrent et la renommée de Bartoli s’amplifie encore. Il se fait établir un cachet portant la mention «Joseph Bartoli, bandit» et obtient de commerçants d’Ajaccio qu’ils le ravitaillent en champagne et autres denrées de luxe. Il fait fermer une entreprise forestière et indique que les tra­vaux ne pourront reprendre qu’après le paiement d’une somme exorbitante. La police française, informée, n’intervient pas et le propriétaire doit effectivement payer 20 000 francs. A la veille d’élections, Bartoli écrit au préfet:

«Le Bandit Bartoli et Cie à Monsieur le Préfet de la Corse.

Je protège mes amis comme ils m’aident et me protègent. J’en ai dans le canton de Sainte-Marie, où il doit y avoir bientôt des élections, et l’on me dit que vous vous laisseriez aller à les contrarier.

Je suis donc obligé de vous donner des ordres qui seront brefs, j’espère que si vous tenez à parcourir ce pays, vous et votre famille, vous les écouterez. Si, donc, à Sainte-Marie comme à Zicavo, vous vous mêlez des affaires de mes amis, si vous pro­tégez leurs adversaires, qui sont aussi les miens, vous resterez caché dans votre palais, vous et votre famille, et je prendrai mes dispositions pour vous empêcher de mettre le nez dehors et vous priver de l’air frais de Vizzavona. C’est donc entendu et j’espère que vous ne me forcerez pas à mettre la main à la pâte et à faire subir le conseil de guerre aux gros légumes qui, même très gros, ne sont pas à l’abri de mes balles. En attendant, si besoin sera, de mes nouvelles, je vous salue pour toute la bande de Zicavo.

Cachet: Joseph Bartoli, bandit. Signature: Joseph Bartoli.

P. S. Pour vérification de mon écriture et du cachet royal, s’adresser au Parquet.

Si vous êtes Préfet à Ajaccio, moi je suis Gouver­neur du canton de Zicavo et de Sainte-Marie­ Siché en Corse.»

La folie des grandeurs gagne l’esprit de Bartoli, ce d’autant que la force publique semble laisser faire. Le 29 avril 1931, deux gendarmes, retour d’une tournée d’inspection, passent en armes dans le village de Bartoli, Palneca. Ce faisant, ils trans­gressent l’ordre du bandit interdisant tout passage sur «son» territoire. Bartoli attend les pandores à l’angle d’une maison, leur intime l’ordre d’avoir à jeter leurs armes et à lever les bras, ce qu’ils font aussitôt. Bartoli leur ordonne ensuite de quitter le village mais, lorsque les deux hommes, mains en l’air, sont à quelques mètres, Bartoli les abat.

Plus tard, Bartoli, qui s’intéresse décidément aux transports publics, fait publier dans l’«Eveil de la Corse» une note interdisant à la Compagnie 011an­dini de desservir la ligne Ajaccio-Sartène. Les autorités, qui sont bien sûr informées, n’intervien­nent pas et la compagnie suspend la liaison. C’est la ruine. Aussi Ollandini sollicite-t-il de Bartoli une entrevue et accepte-t-il de payer 20000 francs. Aussitôt, toujours dans l’«Eveil de la Corse», le bandit publie ceci: «Les Ollandini de Propriano peuvent reprendre le service sans crainte ni danger…»

On croit rêver ! Et jamais la justice ne se mêlera des affaires de Bartoli!

Il faudra la détermination de Jean Simonetti, un exploitant forestier qui avait déjà dû verser de nombreuses «amendes» à Bartoli, pour venir à bout du bandit. Simonetti, après de machiavéliques approches, parviendra à gagner la confiance de Bartoli, puis l’attirera dans un guet-apens, une véritable toile d’araignée au milieu de laquelle est installée une très belle fille nommée Mademoiselle Jaja. L’appât ne laisse pas Bartoli indifférent et, le 6 novembre 1931, Bartoli prend place dans la voiture de Simonetti, alors que deux fidèles du bandit se sont installés à l’arrière. Une courte visite à Mademoiselle Jaja, puis l’auto redémarre. Qu’arrive-t-il ensuite? On ne le sait toujours pas avec exactitude. Bartoli accepte-t-il de faire, en pleine nature, un exercice de tir dont il devient la cible? Est-il tué, brusquement dans la voiture? Est-ce la raison pour laquelle le véhicule, dans le­quel témoignerait peut-être une mare de sang, est incendié puis jeté au fond de la vallée?

J. B. Marcaggi écrit: «Des mains pieuses envelop­pèrent le cadavre de Bartoli dans des draps fins. Les obsèques se firent dans un silence lugubre. Il n’y eut qu’un petit groupe de parents pour suivre le convoi. Les habitants de la commune se tenaient sur une prudente réserve. Le corps expédition­naire envoyé en Corse pour la répression du ban­ditisme, avait, en effet sur ces entrefaites, débarqué à Ajaccio et une colonne de gardes mobiles ve­nait d’occuper brutalement, militairement Palneca! Pendant deux ans, Bartoli avait régné en dictateur dans les cantons de Sainte-Marie et de Zicavo, qu’il considérait comme son fief. De son omni­potence, il ne restait qu’un souvenir de honte, d’opprobre pour la fierté corse!»

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1 réflexion sur « Joseph Bartoli »

  1. Les journaux de l’époque laissent entendre que Simonetti ne serait pas l’exécuteur de Joseph Bartoli. Ils mettent évidence que la tête du bandit avait été mise à prix, et la somme en jeux au moment de son exécution aurait  » brulé » fort à popos empechant toute investigation. n’aurait pas été demandée par Simonetti. D’autre part la voiture à bord de laquelle se trouvait Bartoli. Un deal aurait été passé entre la justice et un palnécais alors emprisonné, pour qu’il effectue cette exécution. A ce jour, les informations concernant cette affaire ne sont toujours pas « déclassées »

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