Mindanao

 

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Zamboanga, île de Minda­nao, Philippines. Un port sous le soleil, entre mer de Sulu et mer des Célèbes. Tout ici respire le calme, l’har­monie, la tranquillité. Même si les vélopousses se sont mués en hondapousses pétaradants qui relancent le client à grands coups d’accélérateur. Étrange impression que de découvrir la ville à bord de cet étrange tri­cycle.

Avantage sur le taxi: pas de vitre pour vous couper du monde, pas de montants de portières pour masquer la vue latérale. Et le conducteur, en selle derrière vous, est trop loin de vos oreilles pour que ses éventuels commentaires puissent faire pièce au vent, aux odeurs, aux cris et aux ges­tes parmi lesquels la machine vous propulse.

Inconvénient tout de même: la circulation est grouillante et vive, les obstacles nombreux, les changements de cap intem­pestifs. Et rien ne vous isole du danger. Le pare-chocs de ce frêle esquif, c’est vous.

Heureusement, il y a les jeep­neys. Comme dans toutes les Philippines, les jeepneys sont d’anciennes jeeps de l’armée américaine, transformées, bichonnées, chromées, cha­toyantes. Le travail d’artiste des tôliers a réussi à rendre pacifique, débonnaire et clin­quant l’aspect de cet ex-véhi­cule de guerre, qui fait office de taxi collectif.

La plate-forme arrière a été allongée et permet à une dizaine de Philippins de s’y entasser, face à face, le dos à la route. L’ennui, c’est que le toit n’a pas été surélevé (la taille des habitants ne le jus­tifiait pas) et que l’Européen de bonnes dimensions y fait figure d’éléphant dans un magasin de porcelaine.

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Les barques à balanciers, simples troncs creusés, insensibles aux tempêtes, se succèdent devant l’Hôtel Lan­taka. Des gosses à la peau d’or mat les dirigent aisément. Mais d’où vient le blond de leur che­velure? De leur race? Du soleil? Ou de la mer dans laquelle ils ne cessent de plon­ger, à la recherche de piécet­tes que jettent les touristes amusés ?

Pas de vagues. Même les plus frêles embarcations, dépourvues de balanciers, prennent leur repos au fil de l’eau, à peine agitées par la présence de deux ou trois gamins nus. Rien qui vienne troubler cette quiétude quasi originelle. Et pourtant…

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Zamboanga est une prison pour touristes. Essayez d’en sortir pour vous convaincre. A moins de dix kilomètres à la ronde, vous vous heurterez à un barrage routier. Et la mine des soldats suffira à vous per­suader qu’il ne s’agit pas de manoeuvres. On ne va pas plus loin. C’est d’autant plus regret­table que l’île est immense (l’une des plus grandes parmi les 7000 îles qui composent les Philippines) et qu’elle vaut la visite. Des ethnologues y ont découvert, récemment, une peuplade vivant le présent à l’âge de la pierre taillée.

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Mais l’heure n’est pas à l’eth­nologie. Si Manille et les îles du Nord ont hérité de la pré­sence espagnole une solide tradition catholique, Mindanao, elle, est musulmane. Comme le sont les îles, plus petites, de l’archipel des Sulu. Et, même larvée, c’est la guerre.

Bandits de haute mer, musul­mans en révolte, pêcheurs contrebandiers, petits voleurs, même combat. Ce n’est pas par hasard si les tou­ristes sont parqués sur un petit territoire et ne peuvent accé­der aux îles. Les bandits de haute mer enlèvent volontiers les étrangers (avec une prédi­lection pour les Japonais…) qu’ils restituent ensuite contre rançon. Il leur arrive aussi de prendre d’assaut les bateaux de pêche, de couler les canots des contrebandiers après en avoir retiré la marchandise (mais pas les passagers) et d’échapper à d’homériques courses-poursuites avec les hors-bords des garde-côtes.

Bref, Mindanao, au-delà du ghetto pour touristes, c’est «Les Pieds-Nickelés aux antipodes».

 

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