01 Introduction

 

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A Noël 1989, toute l’Europe n’eut d’yeux que pour la Roumanie. Mais la révélation des coulisses de ce « coup de révolution » eut tôt fait de transformer notre passion en dépit amoureux. De la Roumanie il ne fut plus question, sauf pour relater les méfaits de gamins tsiganes dévalisant les parcmètres de nos villes. Aujourd’hui, la Roumanie s’est dotée d’un gouvernement authentiquement démocratique, quelques escrocs héritiers de l’ancien régime sont derrière les barreaux, d’autres continuent de tenir le haut du pavé et la Roumanie s’apprête à faire son entrée en Europe.

Installés entre Carpates et Danube depuis plus de 4000 ans, les Daces ont été conquis par l’empereur Trajan voilà bientôt deux millénaires. Il en est resté la langue latine et quelques chromosomes amoureux. Mais d’autres envahisseurs attendaient leur tour, les Goths, les Huns, les Magyars, les Bulgares, et aussi les Tsiganes que les Roumains s’empressèrent de réduire en esclavage, et les Ottomans qui annexèrent le pays en lui apportant deux tares encore présentes aujourd’hui, la pesanteur administrative et la corruption généralisée.

Années de terreur, de combats larvés, de désespoir et de famine. Parmi les princes roumains qui s’opposèrent aux Turcs, un certain Vlad Tepes, alias Dracula. Brutal et sanguinaire certes, mais buveur de sang, voilà qui reste à prouver. Patriote en tout cas, et courageux.

En 1878, la Roumanie accède à l’indépendance. Echappée à l’empire austro-hongrois, la Transylvanie la rejoint en 1918. Débutent alors les années folles. Bucarest devient « Le Petit Paris », les préceptrices françaises viennent enseignent les enfants de la bonne société bucarestoise. Quatre rois et leurs reines se succèdent sur le trône. L’avant-dernier, Carol II, abdique et s’enfuit avec sa maîtresse, Magda Lupescu. Le dernier, Michel, est installé deux fois, gamin d’abord, adolescent ensuite, avant d’être chassé par les communistes en 1948. A Pâques 1992, il revient dans son pays, acclamé par des centaines de milliers de fidèles. Mais pourquoi repart-il aussitôt pour la Suisse, compromettant à jamais le retour de la monarchie ? Ce livre lève une partie du mystère.

Entre-temps, il y eut quarante années de plomb communiste. Gheorgiu Dej, pur stalinien, organisa à Bucarest les mêmes procès qu’à Prague ou Moscou. Mais qui fut donc son successeur célèbre, ce petit cordonnier aux allures timides, Nicolae Ceausescu, que les « révolutionnaires » finirent par exécuter dans une arrière-cour après une mise en scène de révolte populaire et un simulacre de procès ? Un dictateur ? Sans doute, mais pas seulement. Sinon, comment expliquer les fleurs anonymes déposées chaque jour sur sa tombe ?

Rien n’est clair dans cette « Révolution ». Des insurgés au passé obscur, des « terroristes » invisibles car inventés de toutes pièces, de féroces combats de rues qui ne laissent aucun impact de balles sur la chaussée. Et pourtant des morts, enterrés en grande pompe dans le cimetière des Héros. L’histoire de la Révolution roumaine est encore à écrire. Les langues commencent à se délier.

Peu après la chute du communisme, les services de renseignement américains se sont livrés à un intéressant exercice : imaginer les limites futures de l’Europe enfin réunie. Surprise ! La frontière coupait la Roumanie en deux. Fureur des Roumains, mais constat intéressant. Comme si le pays balançait encore entre les deux empires de son histoire, le romain et l’ottoman. C’est que notre « petite sœur latine » est aussi une parente très orientale. Amours, intrigues, assassinats, trahisons et secrets d’alcôve en sont le surprenant témoignage.

Un voyage tendre, profond et insolite au cœur des villes et des villages attend le lecteur à la fin de ce livre. Découvrir la Roumanie est un authentique bonheur, la comprendre une vraie gageure.

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